Gutenberg
Sur LCI, Bruno Retailleau et une jeune femme ont débattu le 6 février sur le port du voile.
https://www.tf1info.fr/politique/videos/video-sur-lci-bruno-retailleau-debat-avec-une-jeune-femme-sur-le-port-du-voile-6960-2349396.html
Chacun dâentre eux se basent sur des textes.
â
Pour ia jeune femme, le texte religieux : que dit le Coran sur le voile ?
Il existe plusieurs versets qui abordent la question de la tenue vestimentaire des femmes, notamment :
đžSourate 24, verset 31 (An-Nur â La LumiĂšre) :
"Et dis aux croyantes de baisser leur regard, de garder leur chasteté et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraßt et qu'elles rabattent leur khimar sur leurs poitrines..."
Le terme "khimar" désigne un voile ou un couvre-chef, mais le verset parle surtout de couvrir la poitrine et ne mentionne pas expressément l'obligation de couvrir les cheveux.
đžSourate 33, verset 59 (Al-Ahzab â Les CoalisĂ©s) :
"Ă ProphĂšte ! Dis Ă tes Ă©pouses, Ă tes filles, et aux femmes des croyants de revĂȘtir leur jilbab : elles en seront plus vite reconnues et Ă©viteront ainsi dâĂȘtre offensĂ©es."
Le "jilbab" est un vĂȘtement ample, mais ce verset ne prĂ©cise pas sâil doit couvrir la tĂȘte ou le corps dans son ensemble.
Dans cet article (https://oumma.com/le-voile-selon-le-coran-et-en-islam/), l'auteur, Dr Al 'Ajamß, affirme que le Coran n'institue pas une obligation divine de porter le voile. Il appelle plutÎt à la pudeur et à la décence, des comportements recommandés tant pour les hommes que pour les femmes. Ainsi, selon cette analyse, le port du voile n'est pas une obligation religieuse, mais une pratique culturelle ou personnelle.
â
Pour Bruno Retailleau, le texte législatif : que dit la loi française ?
En France, l'interdiction du port de signes religieux ostensibles, y compris le voile, est encadrée par plusieurs textes législatifs :
đžLoi du 15 mars 2004 : cette loi interdit le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les Ă©coles, collĂšges et lycĂ©es publics. Elle est codifiĂ©e Ă l'article L. 141-5-1 du Code de l'Ă©ducation.
đžLoi du 11 octobre 2010 : cette loi interdit la dissimulation du visage dans l'espace public, ce qui inclut le port du voile intĂ©gral (comme le niqab ou la burqa). Elle stipule que nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinĂ©e Ă dissimuler son visage, sauf exceptions prĂ©vues par la loi.
Ces lois visent à garantir le principe de laïcité et à assurer la sécurité publique en permettant l'identification des personnes dans l'espace public.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000417977?
â¶ïž En l'Ă©tat, nous avons affaire a une opposition entre deux types de normes :
đžUn texte religieux (le Coran), qui est soumis Ă interprĂ©tation et concerne une sphĂšre individuelle de croyance et de pratique.
đžUn texte Ă©tatique (loi ou rĂšglement), qui sâapplique dans lâespace collectif et repose sur des principes dĂ©finis par la sociĂ©tĂ©.
â
Pourquoi y a-t-il conflit ?
đžDu point de vue de la femme voilĂ©e, le port du voile est perçu comme une obligation religieuse et donc comme un droit fondamental quâelle doit pouvoir exercer librement.
đžDu point de vue de lâĂtat, les sorties scolaires sont considĂ©rĂ©es comme faisant partie du service public (dans certains pays, comme la France), oĂč sâapplique le principe de neutralitĂ© religieuse, câest-Ă -dire l'absence de signes religieux visibles dans certaines fonctions.
â
Dans une sociĂ©tĂ© laĂŻque, ce sont les lois civiles et rĂ©publicaines qui priment dans lâespace public :
đžLes croyances restent individuelles et libres tant qu'elles ne s'imposent pas au cadre collectif.
đžLes rĂšgles collectives sont celles qui organisent la vie commune, et elles peuvent restreindre certaines manifestations de croyances dans des espaces spĂ©cifiques (comme lâĂ©cole ou les fonctions publiques).
On est bien face Ă une opposition entre deux textes, mais dans une sociĂ©tĂ© organisĂ©e, ce sont les lois de la RĂ©publique qui sâimposent dans lâespace commun. Une croyance personnelle ne peut pas primer sur une rĂšgle collective, sinon chacun imposerait sa propre vision et il nây aurait plus de cadre commun.
â
Le respect est prioritaire. Mais lequel ?
Prenons le cas du sport qui fait également débat
đžSi le respect Ă©tait la prioritĂ©, alors toute personne choisissant de pratiquer un sport respecterait en premier lieu les rĂšgles de ce sport.
đžUn sport ne sâimpose pas Ă tous dans la vie quotidienne. A quel titre la pratique dâune religion s'imposerait dans lâespace commun ?
đžSi la pratique de la religion est un choix libre et intime, plus importante que la sexualitĂ©, alors quâils la pratiquent dans lâintimitĂ©, seul(e) ou Ă plusieurs, selon leur choix.
đžLes croyances sont individuelles et les rĂšgles sont collectives. Ces deux notions ne sâopposent pas, mais dans lâespace commun, ce sont les rĂšgles qui prĂ©valent. Si chacun imposait ses propres croyances au collectif, ce serait lâanarchie totale.
â
Le débat fondamental : la iberté et le cadre commun
đ Si les mamans accompagnatrices doivent ĂȘtre libres de porter le voile, alors tous les Ă©lĂšves et enseignants devraient ĂȘtre libres de porter une capuche ou tout autre chose sur la tĂȘte en sorties scolaires, dans les compĂ©titions sportives....
Pourquoi ? Parce quâon appliquerait ainsi le mĂȘme principe de libertĂ© vestimentaire Ă tous, indĂ©pendamment de la raison (religieuse ou non) qui motive le port du couvre-chef.
đ Est-ce souhaitable ?
Si tout le monde pouvait se couvrir la tĂȘte Ă lâĂ©cole, cela entraverait la communication, la reconnaissance faciale et pourrait mĂȘme poser des problĂšmes dâautoritĂ© et de discipline.
La RĂ©publique a des rĂšgles communes qui sâappliquent Ă tous, sans distinction de croyance.
Donc, si une capuche nâest pas autorisĂ©e en classe, pourquoi le voile le serait-il pour les accompagnatrices ? La rĂšgle doit ĂȘtre cohĂ©rente pour tous, sinon elle devient arbitraire et crĂ©e un traitement de faveur.
En fait, peu importe la nature du dogme (religieux ou non), lorsqu'il entre en conflit avec des rĂšgles collectives lorsque ses prescriptions sâopposent aux normes de la sociĂ©tĂ©.
DâoĂč la nĂ©cessitĂ© dâune rĂšgle collective, qui ne nie pas la libertĂ© individuelle, mais qui dĂ©finit un cadre pour le vivre-ensemble.
đžPour celles et ceux qui veulent vivre de grandes sensations en voiture, il y a des circuits prĂ©vus Ă cet effet. Et mĂȘme sur ces circuits, il y a des rĂšgles et des logiques Ă respecter.
đžDans un orchestre, chaque musicien est libre dâinterprĂ©ter la musique, mais il doit suivre la partition et le chef dâorchestre pour que lâensemble soit harmonieux.
Si chacun joue comme il veut, au mépris des rÚgles communes, c'est la cacophonie.
đžUn automobiliste peut prĂ©fĂ©rer rouler sans sâarrĂȘter, mais les feux rouges existent pour organiser la circulation et Ă©viter les accidents.
La rĂšgle nâest pas lĂ pour brimer sa libertĂ©, mais pour assurer la fluiditĂ© et la sĂ©curitĂ© de tous.
đžDans une partie dâĂ©checs, chaque joueur est libre de choisir sa stratĂ©gie, mais les piĂšces ont des mouvements prĂ©dĂ©finis.
Un joueur qui décide que son cavalier peut bouger comme une tour brouille les rÚgles et rend le jeu impossible.
đžUn chef Ă©toilĂ© peut innover, mais trop sâĂ©loigner des bases peut ruiner un plat.
Par exemple, dans une pĂąte Ă crĂȘpes, remplacer le lait par du jus dâorange peut ĂȘtre une tentative originale, mais si chacun suit ses propres rĂšgles, on nâa plus une crĂȘpe, mais un autre plat.
đžDans un match de football, un joueur ne peut pas prendre le ballon avec les mains (sauf le gardien), mĂȘme sâil prĂ©fĂšre jouer de cette maniĂšre.
Sâil refuse de suivre les rĂšgles, il nâest plus dans le football, mais dans un autre sport.
Ainsi, lorsque des instances sportives ne respectent plus les propres rĂšgles du sport quâelles encadrent en autorisant le port du voile, elles initient un processus anarchique.
08/02/2025