On a longtemps glorifié ceux qui « tenaient bon ».
Aller au bureau avec 38,5 °C de fièvre, répondre à ses mails entre deux quintes de toux, afficher un sourire en visioconférence malgré la migraine.
C’était presque une médaille invisible : celle du dévouement.
Aujourd’hui, cette image se fissure.
Travailler malade n’impressionne plus grand monde ; bien au contraire, cela dérange, inquiète, contamine. La pandémie est passée par là, mais pas seulement : une génération entière commence à dire non à cette culture du sacrifice inutile.
Le présentéisme, un virus social
En France, selon la DARES, plus d’un salarié sur quatre continue à travailler alors qu’il estime devoir s’arrêter.
Ce n’est pas qu’une question d’obligation : c’est aussi une question d’identité.
Arrêter, c’est parfois admettre qu’on ne contrôle plus son corps, qu’on dépend d’un système, qu’on a besoin des autres. Beaucoup préfèrent encore se taire et faire « comme si ».
Mais le résultat est là : contagion, fatigue chronique, erreurs en cascade.
Le présentéisme ne sert ni l’entreprise, ni le salarié. Il ne produit qu’un mirage d’efficacité.
L’héritage d’une époque épuisée
Nos parents disaient : « On n’est pas payé à rester au lit. »
Mais ils vivaient dans un monde où la santé au travail n’était pas un sujet, où la loyauté passait par l’endurance.
Aujourd’hui, l’entreprise a changé : les visages défilent, les postes tournent, et la loyauté ne garantit plus rien.
Alors pourquoi continuer à s’abîmer pour un système qui ne le rend pas ?
Ce n’est plus du courage, c’est une habitude obsolète.
La nouvelle règle du jeu
Les plus jeunes, notamment la génération Z, ne s’y trompent pas.
Ils refusent l’idée que la valeur d’un salarié se mesure à sa résistance à la maladie.
Ils réclament le droit de se reposer sans culpabilité, le droit d’être performants quand ils vont bien — pas d’être disponibles tout le temps.
C’est une révolution tranquille : on ne parle plus seulement de santé physique, mais aussi mentale.
Un arrêt maladie devient une preuve de lucidité, pas de faiblesse.
Réapprendre à s’arrêter
Ce changement de regard ne dépend pas que des individus.
Il suppose que les managers cessent de féliciter la présence héroïque et qu’ils valorisent la prévention.
Il suppose aussi que les collègues cessent d’applaudir le « t’as quand même fait la réunion ! » pour dire plutôt « tu devrais te reposer ».
La santé n’est pas un luxe.
C’est une ressource commune : celui qui vient malade au bureau met en danger le collectif.
Et si on redéfinissait le professionnalisme ?
Être professionnel, ce n’est pas venir coûte que coûte.
C’est savoir quand s’arrêter pour revenir en forme, c’est respecter les autres assez pour ne pas leur transmettre ses microbes — ni sa fatigue.
Dans un monde obsédé par la performance, savoir lever le pied devient peut-être le geste le plus moderne qui soit.
Credits image : Freepik
@aaude @sylzic 😉