Tu penses que les nuisances sonores, c’est que les motos et les voisins bricoleurs ? Attends d’avoir Dieu dans ton salon.
Ce billet d’humeur parle de cloches, de liberté, et du droit au silence dans une société qui te dit encore trop souvent : « Déménage !».
Il fait beau.
J’ouvre les fenêtres.
L’air circule, la lumière entre, la playlist du jour tourne à volume raisonnable — parce que j’ai encore cette naïveté laïque de croire qu’on peut vivre en société sans imposer ses goûts aux voisins.
Et puis soudain : DONG DONG DONGGGG....DONG DONG...DONG DONG DONG pendant 10 minutes...
Le clocher s’emballe. Trois fois dans la journée. Sans prévenir. Sans explication. Sans consentement.
Je ne suis pas croyant, comme une bonne moitié du pays. Et même si je l’étais, je ne vois pas très bien ce que vient faire cette orgie de cloches un mardi à 14h37. Un enterrement ? Une messe ? Une punition céleste pour avoir mis du funk ? Mystère. Dieu n’a pas laissé de post-it.
Mais c'est clair : une croyance s’immisce chez moi. Littéralement.
Elle traverse murs, volets, écouteurs et silence.
Une foi qui déborde de son église pour venir se rappeler à mon oreille comme un rappel à l’ordre.
Un rappel à quel ordre, d’ailleurs ? Certainement pas républicain.
Parce qu’au fond, ce n’est pas qu’un problème de décibels.
C’est une question de territoire. D’espace intérieur.
De liberté de ne pas croire en paix.
Je n’ai pas sonné les cloches. Elles me sonnent. Elles me rappellent que, même dans mon salon, je ne suis pas tout à fait libre. Qu’un symbole religieux peut, sans aucune demande, s’imposer à moi au nom d’une tradition qu’on n’a pas osé débrancher.
Imagine-t-on un haut-parleur géant récitant du Spinoza à chaque heure pile ? Un chœur de libres penseurs qui t’informe que Dieu n’est pas nécessaire pour comprendre le monde ?
Non. Ce serait vu comme une agression, une provocation.
Mais les cloches, elles, passent crème.
Le patrimoine, me dira-t-on. L’âme du village. Le lien social.
Mais mon oreille, elle, elle n’a pas voté. Mon esprit non plus.
Et franchement, à la troisième salve de DONG du jour, je me demande si ce n’est pas une forme de tapage sacré. Une liturgie sonore qui, sous prétexte de tradition, envahit sans se poser de question. Une intrusion bénie, mais intrusion quand même.
Alors oui, Dieu peut être partout.
Mais chez moi, j’aimerais qu’il respecte la sonnette.
Et Dieu « tout-puissant et bienveillant », il est où pour empêcher les kékés en deux-roues de faire rugir leur ego au feu rouge ?
Pas là !
DONG DONG DONG, le Ciel qui te rappelle qu’il existe, à défaut d’agir. Le combo parfait : bruit mécanique + bruit liturgique. Pas de répit pour tes tympans.
Et pendant que toi, tu pointes ce que tout le monde vit (mais que peu ose dire), la réponse est toute trouvée : « Déménage ! »
Traduction : « Tais-toi, plie-toi, ou barre-toi. »
Mais non, désolé.
La solution à une nuisance n’est pas de fuir, c’est qu’elle cesse.
Sinon, à ce rythme, tu dois aussi changer de trottoir quand un fumeur passe, couper tes arbres pour que le voisin ait du soleil, et louer un bunker si t’es allergique aux cloches.
En ces temps où nos dirigeants politiques s’invectivent sur le port du voile, rappelons que les signes ostensibles religieux ne sont pas que visuels. Certains s’entendent très bien
Et si toi aussi tu te demandes jusqu’où le bruit religieux peut aller, tu peux jeter un œil aux règles qui concernant les nuisances sonores, c’est très instructif.