Le droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle : chronique d’un pillage annoncé.
🤖 Le cœur du problème
Les IA font aujourd’hui ce que nous — simples créateurs humains — n’avons légalement pas le droit de faire.
Et elles le font à très grande échelle. Sans gêne. Ni citation.
C’est là que se joue le vrai nœud juridique et éthique : une machine, entraînée sur vos contenus, peut en tirer profit… alors que vous-même, auteur, journaliste, chercheur ou développeur, seriez sanctionné pour usage abusif.
✅ Citer ses sources : à deux vitesses
« Quand j’utilise des infos du web, je dois obligatoirement citer mes sources. »
C’est la base du droit d’auteur, du journalisme, de la recherche académique.
Les IA, elles, ingèrent des milliards de contenus — articles, forums, wikis, scripts, livres — et recrachent de la “connaissance reformulée”... sans mentionner l’origine.
Pas de contrat. Pas de notification. Pas de crédit.
Quand elles “hallucinent”, on célèbre leur créativité.
Mais quand elles paraphrasent votre travail sans dire que c’est le vôtre, on appelle ça comment ? 🤔
✅ Extraction massive : ce que vous ne pouvez pas faire
« Si je copie un site, reformule son contenu, et le diffuse à grande échelle, je suis dans l’illégalité. »
Exact. Mais l’IA, elle, le fait tranquillement :
- Elle ne copie pas mot pour mot, elle synthétise.
- Elle ne publie pas un site, elle “répond avec ce qu’elle a appris”.
- Elle ne vend pas un article, elle vend un service qui sait tout.
Cette zone grise rend toute action en justice difficile.
Mais elle n’en reste pas moins une atteinte directe au droit des créateurs.
✅ Google, au moins, montre le lien
« Google affiche un extrait, une source, et un lien. »
C’est l’argument classique du moteur de recherche. Même si critiquable (surtout en cas de zéro clic), il y a :
- Une limitation technique (on n’aspire pas tout)
- Un respect des balises (robots.txt, noindex…)
- Un bénéfice possible (trafic, notoriété, monétisation)
Avec une IA générative, c’est tout l’inverse :
- Critère Moteur de recherche IA générative
- Volume de contenu utilisé Extrait Contenu complet
- Lien vers la source Oui Rarement
- Contrôle de l’éditeur Oui Non (ignoré)
- Bénéfice pour le créateur Trafic Aucun
⚖️ Le “fair use” n’existe pas ici
Aux États-Unis, les géants de l’IA invoquent le fair use (usage équitable). Mais ce principe n’existe pas en droit français ni européen.
En France, le Code de la propriété intellectuelle est sans ambiguïté :
“Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur est illicite.”
Le scraping de masse, même par une IA, reste interdit.
Et pourtant… tout le monde le fait.
💼 OpenAI, Google, Mistral… Ils savaient
Ces entreprises ne découvrent pas le droit d’auteur. Elles sont entourées de juristes et malgré cela, elles ont :
- Utilisé des milliards de contenus protégés
- A l'insu et sans demander d'autorisation
- Sans verser de compensation
Pourquoi ? Parce que c’était stratégiquement rentable. Et que les procès viendraient plus tard.
📂 Le cas Mistral AI : vent français, pratiques américaines
Même les fleurons tricolores, comme Mistral AI, suivent la même route.
“On s’est entraînés sur des données librement accessibles sur Internet.”
— Arthur Mensch, CEO de Mistral, 2024
Traduction : tout ce qui est visible est utilisable.
Mistral s’est entraînée sur “The Stack”, un corpus de code contenant :
- du libre, certes
- mais aussi des morceaux de code propriétaires
- des extraits non documentés
- des contenus sous copyright
Avec les mêmes zones d’ombre que ses concurrents américains.
🧱 Ce que pourrait (et devrait) imposer la régulation
Voici quelques mesures justes et concrètes, actuellement débattues :
- Obligation de citer les sources identifiables
- Blocage automatique via robots.txt
- Versement de redevances si un contenu est utilisé
- Interdiction d’utiliser certains contenus sans licence (actu, formations, œuvres)
- Sanctions en cas de perte économique avérée pour le créateur
- Ne laissons pas la création être vidée de sa valeur
Ce n’est pas une guerre contre l’IA mais un combat pour la reconnaissance du travail humain.
Un modèle de langage ne devient pas intelligent tout seul : il se nourrit de nos mots, nos idées, nos recherches.
Et pour que l’innovation soit durable, il faut qu’elle soit équitable.