Deux hommes qui clament leur innocence, deux affaires, deux mondes.
Cédric Jubillar, peintre-plaquiste du Tarn, accusé du meurtre de sa femme disparue.
Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, condamné pour association de malfaiteurs dans le dossier des financements libyens.
Leurs parcours judiciaires n’ont rien en commun, sinon ce contraste troublant : la manière dont la justice les prive – ou pas – de liberté, et dont les médias et les politiques relaient – ou taisent – leur parole.
Cédric Jubilard : la prison avant le verdict
Depuis juin 2021, Cédric Jubillar est en détention provisoire.
Plus de quatre ans derrière les barreaux alors qu’aucun corps n’a été retrouvé, qu’aucun lieu de crime n’a été identifié, et qu’aucune preuve matérielle décisive n’a été produite.
La justice se fonde sur un « faisceau d’indices graves et concordants ». En droit, la détention provisoire protège l’enquête : risque de fuite, pressions sur les témoins, trouble à l’ordre public. En pratique, elle revient à purger une peine avant d’être jugé.
Dans l’opinion, nourrie de faits divers, l’affaire est déjà tranchée. Jubillar n’a pas de micro ni de caméra pour s’expliquer : sa voix est réduite à des citations d’avocats reprises dans la presse.
Et surtout : aucun responsable politique ne s’offusque de sa détention provisoire. Ni Nicolas Sarkozy, ni Marine Le Pen, ni leurs alliés, pourtant prompts à dénoncer la justice quand il s’agit de leurs propres affaires.
- Procès Jubillar : le procès du doute - France Info
Vidéo YouTube
Ce contenu YouTube est bloqué tant que vous n’avez pas accepté les cookies.
Cédric Jubillar est jugé pour le meurtre de sa femme, Delphine, devant la cour d’assises du Tarn, à partir du lundi 22 septembre. La jeune femme a disparu il y a cinq ans et son corps n’a jamais été retrouvé. Le suspect a une nouvelle fois clamé son innocence.
Nicolas Sarkozy : condamné mais toujours libre de parole
À l’autre extrême, Nicolas Sarkozy a été condamné le 25 septembre 2025 à cinq ans de prison ferme, avec exécution provisoire. Il lui faudra se présenter à l’administration pénitentiaire malgré son appel.
Le dossier est lourd : l’ex-président a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs en lien avec des représentants du régime Kadhafi, sur fond de soupçons de financements occultes. En toile de fond, un personnage central : Abdallah Senoussi, beau-frère de Kadhafi, déjà condamné pour l’attentat du vol UTA 772 qui fit 170 morts.
Face à ce verdict, Sarkozy ne se tait pas. Il dénonce une « injustice », se pose en victime d’acharnement, de haine, minimise la gravité des faits, parle de « reconnaissance de ses responsabilités » tout en contestant l’accusation. Il dispose de ce que Jubillar n’a pas : un porte-voix médiatique, des soutiens politiques, la capacité d’occuper la scène publique pour retourner l’opinion contre les juges.
- Sarkozy-Kadhafi : une histoire INTERDITE - Investigation
Vidéo YouTube
Ce contenu YouTube est bloqué tant que vous n’avez pas accepté les cookies.
Ziad Takieddine, l’homme qui a introduit Nicolas Sarkozy auprès de Mouammar Kadhafi, avoue avoir apporté au ministère de l’intérieur, fin 2006 et début 2007, plusieurs valises d’argent liquide préparées par le régime libyen, pour un montant total de 5 millions d’euros. « J'ai découvert des choses qui ne méritent plus d'être cachées », déclare-t-il, en annonçant son intention de « raconter exactement les faits à la justice ».
- Affaire Sarkozy/Kadhafi : Soupçons sur des millions (Intégrale) - Cash investigation
Vidéo YouTube
Ce contenu YouTube est bloqué tant que vous n’avez pas accepté les cookies.
La rédaction de Cash s’est plongée dans une histoire de cash, d’argent liquide, de valises de billets qui auraient alimenté une campagne présidentielle française.
Au cœur de ce dossier : Nicolas Sarkozy, récemment mis examen par trois juges du pôle financier pour « corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de détournements de fonds publics libyens ». Mouammar Kadhafi, l’ex-dictateur libyen, a-t-il financé la campagne du candidat de l’UMP en 2007 ? Scandale d’Etat ou « allégation folle » comme le déclare l’ancien Président de la République ?
Le contraste médiatique
Le contraste est brutal.
– D’un côté, un homme ordinaire, enfermé depuis des années sans condamnation définitive, déjà puni par avance.
– De l’autre, un ancien chef de l’État, condamné à de la prison ferme dans une affaire d’État internationale, qui reste libre de ses mouvements jusqu’à sa convocation et occupe l’espace médiatique pour contester sa condamnation.
Le double déséquilibre
Il y a là un double deux-poids-deux-mesures :
– Dans l’accès à la liberté : Jubillar est privé de la sienne avant même un verdict, Sarkozy ne le sera qu’après de longs recours.
– Dans l’accès à la parole : le premier est réduit au silence carcéral, le second transforme sa condamnation en tribune politique avec le soutien de ses proches et moins proches mais politiques.
La justice, en droit, applique les mêmes règles à tous
Deux affaires très différentes, mais une même question qui reste suspendue : la justice et les réactions politicos-médiatiques sont-elles vraiment les mêmes pour tous et pour la vérité, ou la société accepte-t-elle qu’elles se vivent à deux vitesses ?
Image : Google AI studio