Sylvain
edit_noteBILLET D'HUMEUR
On entend souvent : « Il est jeune, propre sur lui, il parle bien… pourquoi pas ? »
La réponse tient peut-être dans [cette vidéo diffusée par Le HuffPost,](https://www.youtube.com/watch?v=6bJnig8EKoo) tournée au Parlement européen.
Jordan Bardella se lève pour prendre la parole. Il invoque l’article 133 du règlement parlementaire.
Mais il ne l’a visiblement pas lu. Ou pas compris. Il tente d’utiliser cet article pour dénoncer des propos tenus en dehors du Parlement européen, ce qui n’est tout simplement pas possible juridiquement.
**On lui explique. Gentiment. Posément. **
Mais il s’accroche à sa fiche comme un candidat en panique à l’oral du bac. Il veut absolument finir ce qu’il a appris par cœur.
Il insiste dans l’erreur.
Et finit par être coupé net.
**Une posture plus qu’une pensée**
Ce petit moment de solitude, filmé en direct, illustre ce que beaucoup redoutent chez le président par intérim du RN : derrière l’apparence policée, le vernis communicationnel, il y a un vide de maîtrise, un manque de compréhension des institutions, et surtout une difficulté à reconnaître ses erreurs.
**Et ce n’est pas une première**
En avril 2024, il déclare que les professeurs font l’objet d’une « clause de confidentialité » sur l’enseignement de la laïcité à l’école. Faux : aucune clause de ce type n’existe.
* Il a confondu le programme Erasmus avec l’aide médicale d’État, en critiquant une prétendue priorité des étrangers sur les étudiants… hors sujet total.
* Il a affirmé que 90 % des mineurs étrangers sont majeurs… Une intox démontée par l’INSEE et le Défenseur des droits.
* Et bien sûr, cette obsession de l’insécurité importée, qui lui fait dire que la France est au bord du chaos à cause de l’immigration. Mais là encore, les chiffres contredisent le récit.
**Insécurité et immigration : la fable vs les faits**
Pendant qu’il agite l’épouvantail du « tout-va-mal-à-cause-des-migrants », les données officielles montrent tout autre chose :
***1. Les homicides en France sont stables et peu nombreux***
Sur l’année 2024, le nombre d’homicides diminue (-2 %) pour la première fois depuis 2020, tandis que les tentatives d’homicide poursuivent leur nette progression (+7%), avec un rythme d’augmentation proche de celui observé depuis 2016 (+8 % par an), mais en ralentissant toutefois par rapport aux deux années précédentes.
Source : [Ministère de l'Intérieur](https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/insecurite-et-delinquance-en-2024-premiere-photographie-de)
***2. La majorité des homicides est intrafamiliale***
En 2024, les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré, au titre de crimes et de délits, 450 100 victimes de violences physiques, dont 103 700 sont mineures (23 %) et 122 600 victimes de violences sexuelles, dont 71 100 sont mineures (58 %). Plus de la moitié de ces violences physiques enregistrées sont commises dans le cadre intrafamilial (conjugal ou non),
Sources : [Ministère de l'Intérieur](https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/victimes-de-violences-physiques-ou-sexuelles-enregistrees-par-0)
***3. Rien ne prouve que les migrants sont les auteurs principaux de ces crimes***
L’Observatoire international des prisons (OIP‑SF) pointe cette réalité :
Au 1er janvier 2020, 23,2 % des détenus étaient étrangers, alors qu’ils ne représentent que 7,4 % de la population en 2019. Ce chiffre résulte de choix judiciaires : recours plus fréquent à la détention provisoire, à la comparution immédiate, et peines fermes plutôt qu’alternatives
À délit égal, un étranger a trois fois plus de chances d’être jugé en comparution immédiate, cinq fois plus d’être mis en détention provisoire, et huit fois plus d'écoper d’une peine ferme
Sources : [OPI : Observatoire international des prisons - Section Française (OIP-SF)](https://oip.org/analyse/etrangers-detenus-derriere-les-chiffres-de-la-sur-representation)
Mais comme souvent chez les professionnels de la peur, les faits gênent le storytelling.
Alors on s’en tient aux fiches. On récite.
**Un président de décor ? **
Jordan Bardella veut incarner un président « nouveau », à la fois lisse et ferme. Mais tout semble fabriqué :
* un look calibré pour les JT,
* un discours copié-collé des punchlines de Marine Le Pen,
* et une vision du pouvoir simpliste : désigner un coupable, faire peur, proposer l’autorité comme pansement universel.
Mais présider la France ne consiste pas à bien lire une fiche.
C’est comprendre le droit, manier la complexité, affronter le réel sans filtre.
Et surtout, savoir quand se taire, reconnaître ses torts et apprendre.
La séquence européenne montre autre chose : un homme jeune, certes. Présentable, poli. Mais à côté de la plaque.
Et déterminé à y rester.
21/06/2025